Ping Pang Pong / Mircea Cantor

Samedi 15 juin 2002 , gymnase des Dervallières,
rue Jean-Marc Nattier, Nantes

contexte de l’invitation

L’association entre-deux a invité Mircea Cantor, artiste roumain résidant en France, à créer une œuvre dans l’espace public. Avec cette nouvelle intervention entre-deux poursuit avec les artistes sa conception de l’œuvre dans l’espace public sur un territoire d’expériences et de réalisations à Nantes. Entre-deux passe commande aux artistes, réinterprètent avec les artistes, des œuvres qui adhèrent aux mouvements de la vie contemporaine. Ponctuelles, fluides, reproductibles, les œuvres prennent formes en creux des réalités sociales, économiques et politiques.

l’artiste

Mircea Cantor vit à Nantes depuis 1999, date à laquelle il a été accueilli à l’école régionale des Beaux-arts dans le cadre du post diplôme. En 2001, il a participé à l’exposition Traversées au Musée d’art moderne de la ville de Paris et présente à la galerie Yvon Lambert sa première exposition personnelle en France “The right man, at the right place” jusqu’au 25 mai 2002.
En transit depuis 1999, en France comme en Roumanie, Mircea Cantor travaille avec la dualité de sa nouvelle existence. Entre l’étourdissante vidéo “Nulle part ailleurs”, tourbillon d’images produites par la redoutable économie des loisirs et l’économie de moyens productrice de succédanés bricolés comme ces bâches rapiécées recouvrant des voitures à Bucarest, Mircea Cantor propose les images distinctes de cultures non fusionnées qui s’enrichissent chez lui de ce bipartisme et de la critique, caustique ou tendre, de leurs inter-relations.

le projet

A Nantes, Mircea Cantor propose une manière singulière de jouer au tennis de table.

Il compte transformer la pratique du jeu par une autre organisation spatiale de la table : le terrain de jeu est balisé par deux filets, créant une nouvelle zone, centrale. Avec l’obligation de faire rebondir la balle dans cet espace supplémentaire, le joueur renvoie la balle avec deux rebonds (au lieu d’un) et sert avec trois rebonds (au lieu de deux).

Cette nouvelle délimitation de l’espace du jeu transforme le comportement des joueurs. La tactique du jeu ne conduit plus un joueur à malmener l’autre par la rapidité et la force de frappe. En revanche chaque joueur est obligé de bien se concentrer sur ce nouvel espace devenu désormais incontournable.

On l’aura compris, l’artiste ne projette pas sérieusement de modifier les règles du tennis de table. Il s’agit plutôt pour lui de montrer comment il envisage ce nouvel espace de transition, espace exposé à divers influences (zone de contact). Cet espace, né au croisement des deux zones préexistantes, est un terrain potentiel de neutralité, possibles de négociation : l’espace entre les deux filets représentant l’espace construit par les transformations mutuelles et réciproques induites par un accueil véritable.

Conformément aux modes de monstration du sport, Mircea Cantor a demandé à des joueurs professionnels d’offrir une exhibition – qui a été filmée – de cette pratique « déviante » du tennis de table ; ils acceptent ainsi de désapprendre leur technicité et d’apparaître malhabiles.

La journée du samedi 15 juin 2002 s’est déroulée en deux temps. Le matin, dans le grand gymnase des Dervallières, la vidéo a été projetée sur grand écran tandis que seize jeunes joueurs ont disputé un tournoi.
L’après-midi, un débat a été animé à partir de la retransmission des jeux. Tous les habitants intéressés ainsi que les associations accueillants les étrangers, les associations d’accueil des nouveaux arrivants ainsi que les associations caritatives ont été invités à discuter avec le sociologue Jean-Yves Petiteau des questions suscitées par la rencontre de cultures différentes que cela soit à l’échelle d’un quartier, d’une région, d’un pays ou d’une partie du monde.

Ces zones de contact, de rencontres, ne se distinguent pas concrètement, ne prennent pas la forme d’un terrain physique propre à la discussion. Mircea Cantor matérialise cet espace par le biais du jeu. Comme lui, de nombreux nantais reçoivent la culture occidentale à travers le filtre de leur culture d’origine. En ralentissant la vitesse de ce jeu particulier (le ping-pong), l’artiste annule l’affrontement et suggère un espace conjugué, vecteur de rencontres, d’espace public.